Un soir d’automne 2020, à Marseille, face à un temps social fermé, nous nous sommes regroupé.e.s dans la nécessité d’inventer un espace commun et ouvert pour nous octroyer le temps de l’expérimentation collective. Nous sommes auteur.es, metteur.es en scène, cinéastes, acteur.rices, enseignante, et nous n'excluons aucun terrain. C'est en cheminant dans la rencontre et le croisement des multiplicités - réalités sociales et intimes, médiums et formes - que nos explorations tissent des liens entre art, écologie et société dans l'urgence de faire émerger d’autres possibles.
A toutes les échelles individuelles et collectives, pour ce qui concerne la vie quotidienne aussi bien que la réinvention de la démocratie, le registre de l'urbanisme, de la création artistique, du sport, etc., il s'agit, à chaque fois, de se pencher sur ce que pourraient être des dispositifs de production de subjectivité allant dans le sens d'une re-singularisation individuelle et ou collective, plutôt que dans celui d'un usinage mass-médiatique synonyme de détresse et de désespoir.
Les trois écologies / Félix Guattari / Collection l’espace critique - Édition Galilée, 1989
Notre démarche est animée par la volonté de réapprendre à voir, à entendre, à ressentir, nous inspirant notamment du concept de biodiversité du philosophe français Félix Guattari. En 1989, Guattari écrit Les trois écologies, texte dans lequel il développe le concept d’écosophie, dont la proposition principale avance que l'écologie doit s'entendre selon trois axes indissociables : environnemental, social et mental. Il s'agit pour lui de repenser notre relation à l'environnement, de s'opposer au capitalisme mondial et de réhabiliter la subjectivité.
Opérant dans le jeu de nos rapports politiques à la société, aux institutions et à l'environnement, dans un désir joyeux et impérieux de déplacer les regards, nos recherches s'organisent en chantiers thématiques aux divers champs d'action. Nos outils alors s'associent, nos pratiques s'hybrident, les rencontres et les expériences se démultiplient, nos forces s'agrandissent et s'émancipent. Cette démarche est pour nous la condition sine qua non d'un travail collectif branché sur les enjeux politiques, éthiques et esthétiques de notre temps.
En jouant ainsi à défaire la sacralité du geste artistique singulier, à dézinguer le système individualiste qui structure en profondeur nos manières d'être, de faire, de ressentir et de penser, y compris dans le champ des arts, nos collectes, productions d’images, de sons, de paroles, et leur lente transformation dans une écriture commune cherchent une langue, celle des re-commencements, des déplacements, des circulations de vie dans les interstices des mondes multiples et paradoxalement uniformisés que nous habitons aujourd'hui.